Maurice Zundel
La sainte liturgie – VII / Graduel
Alors, on avait le temps. Un petit nombre de notions suffisait à l’expression d’une culture soucieuse de parfaire l’homme, dans la ligne royale de sa première vocation. Et le rêve n’était point de communiquer avec la rapidité de la foudre, mais de faire échange des valeurs requises par la vie de l’esprit. Alors, dans les prières, on invoquait le Dieu vivant. Car on avait le goût de la vie. On en parlait moins à coup sûr. – Et l’on en poursuivait la plus haute manifestation, non dans l’action, même philanthropique, mais dans cette opération à nulle fin pratique ordonnée, plus divine qu’humaine, la contemplation.
Impossible de concevoir rien de plus spontané et de plus intérieur, de plus vital et de plus gratuit. Or, c’est du dedans que s’accomplit cette croissance, par une plus riche effusion de sève, sur la matière vivifiée, – de même en l’âme s’épanouit le divin, par l’irradiation plus intime de la présence adorable; par le resplendissement du Verbe créateur, dont la Parole est l’image temporelle.
Alors ont coulé ces beaux textes, où il y a plus de lumière que n’en peuvent tenir les mots, où le cri sous chaque phrase, semble tout près d’éclater, où c’est comme le reflet permanent de cette contemplation, supérieure au discours, que les dons font éclore. Alors doucement l’âme en un meilleur qu’elle-même s’abîme – puis entrevoit, dans un rayon de ténèbres, une nouvelle terre, de nouveaux cieux: la face divine des plus communes réalités.
Maurice Zundel, Le poème de la sainte liturgie (Ad Solem, 2017)
image: Basilique Notre-Dame, Genève / Suisse (2017)
