Le poème de la sainte liturgie – 8

Maurice Zundel

La sainte liturgie – VIII / Alleluia – Evangile

Les paroles n’en peuvent plus – il y a trop de joie. Les mots retombent sur eux – il y a trop de lumière devant l’Ineffable qui se révèle à toi. Alors ce chant est monté, de ton âme enivrée, que n’ont pu contenir les syllabes, dilatées, sans mesure, sous le feu de l’Esprit: Alleluia.

Tu les as comblés d’honneur, Tes amis, Seigneur, avec magnificence, affermi leur prestige. Et leur coeur, au-dedans, tout brûlant, dans le chemin, précède leurs pas à la rencontre du Dieu vivant: Alleluia. Alors vers Ses brebis, le Pasteur s’est penché. Alors n’y tenant plus le Rédempteur a dit: Alleluia. Comme pour dire: c’est la fin de l’exil. Alors, dans la lumière de l’amour, les jours mauvais parurent, des jours de grâces: Alleluia. Et pour être de la fête, les anges, et pour adhérer à la tête, Jésus, tous Ses membres glorifiés. Et d’abord la Vierge Marie – à chacun des enfants qui reviennent – et tous les saints – suivant toujours le mouvement de la Mère -, c’est-à-dire tout le ciel – et même saint Joseph, le géant du silence – tout le ciel s’unit dans ce cri: Alleluia.

Et maintenant, toute l’Eglise est debout pour entendre la Parole: Car il les enseignait avec autorité, et non comme les scribes. Et ils étaient frappés de sa doctrine (Mt 7,28). Ils étaient comme nous – peut-être meilleurs, disons qu’ils étaient meilleurs, c’est plus sûr: les Apôtres s’y trouvaient. Ils étaient comme nous. Et presque toujours, ce qu’Il disait passait au-dessus de leurs têtes, infiniment. Leur raison n’y trouvait point d’appui, mais leur coeur n’était point dupe. Il y avait dans leur coeur un témoignage qu’Il se rendait à Lui-même, ayant le pouvoir de les instruire au-dedans.

Et nous sommes là, à notre tour, un autre auditoire. Mais ce sont les mêmes besoins, et la même faim que rien ne peut apaiser. Et nous éprouvons, insensiblement, la vérité de cette promesse: Quiconque boira de cette eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif (Jn 4,13). Mais encore: Ceux qui me boivent auront encore soif (Si 24,21). C’est-à-dire: ils n’auront plus soif d’autre chose, plus soif pour souffrir de la soif, n’ayant de quoi se désaltérer. Et encore soif, parce que jamais las de tendre leurs lèvres vers la source qui accroît le désir, à mesure qu’elle le comble. Car cette soif est dans l’âme, dont les désirs n’ont pas de fin. Et cette eau salutaire, c’est la joie pour toujours, de la sainte Trinité.  

Maurice Zundel, Le poème de la sainte liturgie (Ad Solem, 2017)

image: Basilique Notre-Dame, Genève / Suisse (2017)

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