Haïm Korsia
L’exercice du pouvoir transforme toute assise électorale, fût-elle de marbre, en argile friable. Si les Français gardent le sentiment qu’un président seul fait tout, centralise tout, dirige tout, décide de tout, nomme tout le monde, ils considéreront aussi qu’il doit tout assumer, seul. Y compris ce qui ne dépend en réalité pas de lui. Déléguer, associer, en un mot partager le pouvoir, ce n’est pas se mettre en danger, c’est au contraire se protéger grâce aux corps intermédiaires de la société, grâce aux échelons de l’administration qui disposent de compétences, de capacités d’alerte, de remontées du terrain.
Tout cavalier solitaire prend le risque de voir sa statue se figer; on lui reprochera tôt ou tard son arrogance et son autoritarisme; il prend alors le risque de provoquer l’ire des démocrates comme celle de ses rivaux bien plus dangereux. Monté trop près du soleil, tel un Icare génial et ambitieux, ses ailes fondent – ou le piédestal s’effrite. On entre alors dans la zone de tous les dangers.
Haïm Korsia, Comme l’espérance est violente / extraits (Flammarion, 2024)
image: Le Palais de l’Elysée, Paris / France (cnews.fr)