Patrick Chauvet
Le problème de notre monde, c’est qu’il a étouffé notre besoin spirituel par des désirs artificiels. Quel temps donnons-nous pour Dieu, alors que nous sommes envahis par Internet et les réseaux sociaux? Il suffit de regarder ce qui se passe dans le métro, le train ou même sur les trottoirs: nos yeux sont rivés sur les écrans; on ne prend plus le temps de croiser des regards; pire, si vous voulez esquisser un sourire ou un salut, vous êtes quasi soupçonnés de harcèlement!
Quel temps donnons-nous pour Dieu? Que mettons-nous par exemple derrière les mots salut, grâce… sans parler de la liturgie: que célébrons-nous à Noël, aux Rameaux, à Pâques? Ces mots sont devenus des jours de congé; d’ailleurs, progressivement, ce vocabulaire est remplacé par les vacances d’hiver, de printemps et d’été.
Quel temps donnons-nous pour Dieu? La relation au temps a été bouleversée. Tout va très vite et nous ne voyons plus le temps passer. Nous ne savons même plus profiter du temps présent; savoir s’asseoir, contempler un paysage, tout simplement respirer. Blaise Pascal, dans ses Pensées, avait déjà relevé les difficultés de l’homme à se retrouver seul, face à lui-même et face à Dieu. Dans ces conditions, pouvons-nous avoir une vie intérieure?
Tout au long de son oeuvre, Bernanos pose la question de l’homme. Comme chrétien, il affirme que l’homme, créé à l’image de Dieu, est caractérisé par la mesure. Cela signifie qu’il protège sa liberté spirituelle, sa libre responsabilité, sa libre décision. Ainsi, dans la Lettre aux Anglais, il écrit: L’expérience m’a prouvé trop tard qu’on ne saurait expliquer les êtres par leurs vices, mais au contraire par ce qu’ils ont gardé d’intact, de pur, par ce qui reste en eux de l’enfance, si profond qu’il faille le chercher.
Et la source de la liberté est dans cette liberté intérieure, qui est orientée vers ce pour quoi j’ai été créé.
Patrick Chauvet, Bernanos sans concessions (Fayard, 2024)
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