Marcher dans la vérité – II
La raison nous apprend à voir ce qui est. Et cela est bien important. On ne peut édifier une perfection sérieuse lorsque le bon sens fait défaut. Sainte Thérèse d’Avila ne voulait pas de sujets bornés pour ses monastères. La personne doit avoir un jugement droit pour être capable de se corriger et d’avancer dans la vertu. De son côté, saint Jean de la Croix écrit dans ses Maximes: Prenez conseil de votre raison… : faire comme veut la raison, c’est prendre un repas substantiel.
Mais au-dessus du soleil de la raison, brille celui de la foi. Par la foi, une autre réalité, infinie celle-là, vient éclairer la première, la réalité même de Dieu. Par la foi et la raison, il se fait chez le chrétien une sorte de bon sens spirituel qui lui apprend à considérer les choses telles qu’elles sont en définitive au regard de Dieu. La mystique elle-même est le simple épanouissement de ce réalisme. Les personnes vertueuses ou celles qui viennent de se convertir, n’entendent-elles pas d’emblée l’appel des hauteurs, invitation à être vraies jusqu’au bout de l’amour? Même le plus irrationnel dans la vie intérieure, obscurités, purifications mystérieuses, n’a qu’un but: retirer l’esprit de vive force du domaine des demi-certitudes afin de l’habituer, par un pénible exercice, à ne plus voir que ce qui est vraiment sa misère de créature d’une part, et de l’autre, l’infinie grandeur de Dieu. Ainsi l’aventure spirituelle décrite par saint Jean de la Croix, sous la forme d’une évasion nocturne, n’a rien d’un coup de tête imprudent; c’est une entreprise raisonnable où l’on est en sûreté.
Mais il est difficile d’être vrai jusque-là. La tentation et le péché nous empêchent de voir les choses telles que Dieu les a ordonnées. Séduits, nous les regardons sous un autre angle, comme le père du mensonge et de l’illusion veut nous les faire voir. Et alors, ils deviennent maîtres d’erreur. Après un moment de curiosité et d’ivresse, les yeux qui s’attendaient à devenir comme des dieux s’ouvrent à la lumière crue de la réalité. Dans le désert où nous cheminons, un mirage se lève tout à coup, une oasis de rêve où nous croyons pouvoir nous reposer et goûter le bonheur. Malheur à qui se laisse séduire par cette vision tentatrice, il dévie de son chemin. Bientôt tout s’éteint et, au voyageur dérouté, l’étendue paraît plus grise et plus morne. Le pécheur éprouve alors douloureusement cette brutale rechute dans la réalité qu’il a refusé un moment de considérer et qui, maintenant, se venge de lui.
En contre preuve, admirons l’attitude du Christ durant sa triple tentation. Il s’y défend contre les attaques du Malin par un recours constant à la vérité; faisant appel, avec une froide objectivité, à des textes de l’Ecriture, il brise son adversaire sur le roc. Rien de plus vrai qu’un tel comportement.
Carmel de France, Marcher dans la vérité / extraits (carmel.asso.fr)
image: Carmel du Pâquier, Suisse (carmel-lepaquier.com)