François Mauriac
Je crois, Seigneur, viens au secours de mon incrédulité (Mc 9,24). Cette prière, Vous l’avez entendue de vos oreilles, mon Dieu, quand Vous étiez un homme, entouré d’autres pauvres hommes galiléens. Et ce petit livre n’exprime rien d’autre que cette contradiction. Nous croyons en Vous que nous ne voyons pas. Nous écoutons Votre parole que nous n’entendons pas. Cette bouchée de pain azyme sur ma langue, je dis que c’est Vous, je me recueille et j’adore en moi cette présence qui ne m’est attestée par rien de sensible. Plusieurs ont reçu des signes, qui n’étaient pas des saints: Claudel, Max Jacob, Simone Weil. Mais moi?
Si je prétendais n’en avoir reçu aucun durant ma vie, je mentirais. Mais si je les rapportais, ils s’évanouiraient en même temps que j’essaierais de les fixer dans des mots. Et puis, tant d’années recouvrent ces instants de grâce que je ne suis pas sûr du souvenir que j’en garde. Oui, je l’ai vue! je l’ai vue! répétait en mourant la pauvre Bernadette à qui on avait fait si souvent répéter au parloir, pour l’édification des visiteurs, l’histoire des apparitions, et qui peut-être finissait par douter de n’avoir pas rêvé.
François Mauriac, Ce que je crois, dans: Oeuvres autobiographiques (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1990)
image: Lourdes, France (paroissesotteville.com)