Chemins de traverse – 932 / Hector Bianciotti

Hector Bianciotti

Il aura fallu l’ambition, la douleur, l’orgueil, les agonies toujours recommencées – et de surcroît il aura fallu ne pas réussir ce que l’on rêvait de faire – pour aboutir à nous-mêmes. Car le moment finit toujours par arriver, où, obscurs ou prodigieux, les jours de l’homme se réduisent à une image sans nom et sans figure: soudain, nous sommes l’inconnu qui attend à une croisée de chemins, un petit paquet à la main; nous attendons un autre inconnu pour le lui donner; nous ignorons ce que le petit paquet contient, nous ne savons pas que c’est ce qu’il reste de toutes ces choses que nous avons entreprises, le sens même de la vie, la poussière d’or des nuits, ce pourquoi nous fûmes là. Peut-être le petit paquet ne tient-il que les trois ou quatre choses qui seules nous appartiennent: un regard, un geste futile, un geste atroce, un mot tu, un problème d’algèbre résolu en marge d’un feuillet, un verre de lait offert, une trahison.

Le grand et le petit dépendent du point de vue, comme le haut et le bas, comme le bon et le mauvais – le propre de Dieu est de ne pas percevoir les différences: où que nous nous trouvions, nous sommes à un carrefour et nous avons des étoiles sous nos pieds.

Hector Biancotti, Sans la miséricorde du Christ (coll. Imaginaire/Gallimard, 2018)

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