Nikos Kazantzaki
Par l’étroite lucarne du sanctuaire, on apercevait de la verdure. C’était le petit jardin de l’église. Le romarin et le chèvrefeuille embaumaient.
– Sortons dans le jardin, dit François. Ici, on étouffe.
Mais, au moment où nous allions franchir la porte, des soupirs, des halètements et des bruissements de soie ou d’ailes s’élèvent de derrière l’autel. François me saisit le bras.
– Tu entends? Il me semble…
Aussitôt, trois jeunes filles, vêtues de blanc, surgissent de leur cachette, passent devant nous comme des flèches et s’élancent dans le jardin en poussant des petits cris. Là, elles éclatèrent d’un rire moqueur comme si elles avaient deviné notre frayeur. François se précipita dans la cour et je l’y suivis.
Elles ne paraissaient nullement effarouchées, mais la plus grande rougit jusqu’aux oreilles à la vue de François. Ce dernier, appuyé au montant de la porte, essuyait son visage couvert de sueur. La jeune fille s’approcha de lui, de plus en plus, excitée et souriante. Une branche d’olivier chargée de fruits couronnait son front. François fit un pas en arrière comme s’il avait peur.
– Tu la connais? lui demandai-je tout bas.
– Tais-toi, répondit-il en pâlissant.
La fillette s’enhardit:
– Messire François, dit-elle, railleuse, vous êtes le bienvenu dans notre humble demeure.
François la regardait. Il ne répondait pas, mais son menton tremblait.
– Tu te trouves dans la maison de Saint Damien, répondis-je moi-même pour couvrir le silence de François. Depuis quand l’occupez-vous, toi et tes compagnes?
Les deux autres jouvencelles, un peu plus jeunes, treize ou quatorze ans, se rapprochèrent doucement, la main devant la bouche pour étouffer leurs rires.
– Depuis ce matin, répondit la jeune fille. Nous comptons rester toute la journée. Voici ma soeur Agnès et notre petite voisine Ermelinde. Nous avons apporté un panier plein de provisions et de fruits.
Elle se tourna de nouveau vers François.
– Si cela peut faire plaisir à Messire François, nous l’invitons à déjeuner. Puisqu’il est venu chez nous, nous le recevrons en ami.
– Claire, fit François très doucement. Je te souhaite le bonjour.
Nikos Kazantzaki, Le pauvre d’Assise (Plon, 1957)
image: San Damiano, Assisi (tripadvisor.it)