Marie Cénec
Tenir entre ses mains la clarté de la joie et la violence des ténèbres: les deux appartiennent à l’âme humaine. Se délecter d’un rayon de soleil comme d’un fruit mûr, laisser le rire frémir en soi. Dans un même accueil, goûter à l’amertume des heures obscures. Nous n’avons pas le choix, nous n’avons pas à choisir entre Vendredi Saint et Pâques. Nous n’avons pas à choisir entre le silence de la mort et de l’absence, et les cris de joie que provoquent les retrouvailles avec la vie.
Il nous faut tenir entre nos mains le tout de manière pacifiée, sortir de l’antagonisme entre la joie jubilante et le grinçant désespoir. Les deux sont en nous, comme nous le rappellent une larme de tristesse en pleine fête, un sourire au coeur du deuil. Le bonheur est dans l’apprivoisement du tout de notre être, dans la réconciliation des forces opposées, le mariage de Vendredi Saint et de Pâques.
La vie est un bouquet d’ombres et de lumières à apprivoiser avec l’âme d’une abeille passant d’une fleur à l’autre, faisant son miel de chaque heure de joie ou de souffrance.
Marie Cénec, L’insolence de la parole (Bayard, 2020)