Chemins de traverse – 991 / Nadia Tuéni

Nadia Tuéni

Pour que dure l’instant sous le poids des mémoires
j’ai retenu la nuit
plus doucement qu’une main de femme
plus longuement sans oublier
contre des murs vivants
sur un étroit chemin utile comme un arbre

Pour que le don de Mort recouvre les eaux sûres
j’ai retenu la mer
loin des cathédrales dont elle se glorifie
loin de ces araignées qui tissent encore des vagues pour attirer la plage
et des rochers tordus où s’en ira la vie
j’ai retenu la vie
j’ai retenu la mer

Pour que reste le cri des oiseaux de l’orage
ceux qui n’ont plus rien dit depuis la grande attente
ceux qui prient chaque fois pour les morts en puissance
et détiennent la tour d’où soufflent tous les vents
j’ai retenu la mer
la nuit est moins féroce
qui permet au soleil
un temps de revenir.

Nadia Tuéni, Liban – 20 poèmes pour un amour, dans: Les oeuvres poétiques complètes (Editions Dar An-Nahar, 1993)

image: https://www.lorientlejour.com

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