Bernard de Clairvaux
Que de gens voyons-nous humiliés sans être humbles; frappés sans en ressentir de la douleur; l’objet des soins mêmes du Seigneur, mais qui ne trouvent point la santé dans ces soins? Ce sont tous ceux qui pensent trouver des délices sous les ronces, qui ne veulent point voir les péchés qu’ils commettent, le pas glissant où ils chancellent, les ténèbres qui les aveuglent, les filets au milieu desquels ils naissent, le séjour d’affliction où ils habitent, le corps de mort qu’ils traînent avec eux, le joug pesant qu’ils portent, la conscience plus pesante encore qu’ils cachent, et la très lourde sentence qui les attend.
Tel était celui à qui saint Jean, dans son Apocalypse, reçoit l’ordre d’écrire en ces termes: Tu dis: Je suis riche, je me suis enrichi, je ne manque de rien, et tu ne sais pas que tu es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu (Ap 3, 17). D’ailleurs, il ne faut pas s’étonner que l’élévation des hommes soit si vaine et si mensongère; la vérité les humilie, la vanité les élève; ils aiment mieux les ténèbres que la lumière, ils embrassent la vanité qui les exalte, et recherchent le mensonge, tandis qu’ils repoussent la vérité qui les humilie, de tous leurs voeux, de toute leur énergie possible, par toutes sortes de dissimulations et de frivoles efforts.
Bernard de Clairvaux, Sermon XX / extrait (livres-mystiques.com)
image: Parc Bertrand, Genève / Suisse (2024)