Morceaux choisis – 1182 / Gilles-Hervé Masson

Gilles-Hervé Masson

Voici qu’arrive le Samedi Saint. C’est un jour très particulier dans ce triduum pascal. Pourquoi? Eh bien, parce qu’il ne s’y passe en fait… rien. Bien sûr le matin on continue de chanter les Psaumes, de lire l’Ecriture et de réécouter la Tradition. Mais ensuite, plus rien! Pas de célébration en ce jour.

Le Samedi Saint est un jour de silence: jour comme suspendu, parce que le Seigneur est au tombeau. Le Seigneur repose dans le lieu de la mort et tout semble bien fini. Lui-même est retiré: Il a été retiré aux siens par la mort, et les siens littéralement ne savent plus où ils en sont. Tous, absolument tous, sont perdus. Même Marie-Madeleine a perdu son bien-aimé. Elle se demande ce qu’il va bien pouvoir se passer. La Tradition nous suggère que, dans ce tableau de désolation, il y a un diamant qui brille – d’une lumière discrète comme toujours -, c’est le diamant de la foi de Marie: elle qui croit profondément que, en Jésus, Dieu tiendra ses promesses; qui croit profondément que, envers et contre toute évidence – la lourde et triste évidence de la mort – la vie peut encore se frayer un chemin, avec la grâce de Dieu.

Et voyez, il est très important pour nous, ce samedi, non pas de goûter la saveur d’une belle célébration mais de goûter l’âpreté de ce silence, de ce silence immobile, de ce silence un peu sourd, vibrant, dont on ne sait pas s’il scelle la fin de tout ou s’il est comme une respiration retenue, avant un nouveau départ, avant le passage, avant la résurrection. Nous ne pouvons pas anticiper. Traverser le Samedi Saint, c’est au fond traverser l’épaisseur de la mort, avec toutes les questions qu’elle soulève. En même temps cela signifie pour nous, rester au plus près du Mystère du Seigneur.

Quelques mots encore sur le Christ en croix. Je les emprunte à saint Jean de Damas, prêtre: Christ en croix, venons à Lui, devenons participants de Ses souffrances pour avoir part aussi à Sa gloire. Christ parmi les morts, mourons au péché afin de vivre pour la justice. Christ dans un tombeau neuf, purifions-nous du vieux levain et devenons un pâte nouvelle pour être un lieu de repos pour le Christ. Christ aux enfers, descendons avec Lui dans l’humiliation qui élève afin de ressusciter avec Lui, d’être exaltés avec Lui, glorifiés avec Lui. Vous qui êtes du monde, soyez libres; vous qui êtes liés de bandelettes, sortez; vous qui êtes dans les ténèbres, ouvrez vos yeux à la lumière; soyez relâchés, vous, les captifs; aveugles levez les yeux!

Demeurons dans la contemplation silencieuse de ce Samedi Saint, prolongement du Vendredi Saint, Jour de la Croix et déjà prélude, suspendu à la joie de Pâques qui ne pourra éclater que demain, après que nous aurons traversé, vraiment, le Mystère de la mort du Fils, en laquelle nous et toute la Création retrouvons la vie.

La prière qui conclut les offices de ce samedi saint conclut aussi notre méditation: Dieu éternel et tout-puissant dont le Fils unique est descendu aux profondeurs de la terre, d’où Il est remonté glorieux, accorde à tes fidèles, ensevelis avec Lui dans le baptême, d’accéder par Sa résurrection à la vie éternelle. Lui qui vit et règne avec Toi dans l’unité de l’Esprit, un seul Dieu, dans les siècles des siècles.

Amen.

Gilles-Hervé Masson, Homélie du Samedi Saint / extrait – 3 avril 2021 (ecclesiola.fr)

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