Chemins de traverse – 1000 / Stefan Zweig

Stefan Zweig

Enveloppés dans le cocon de leur sécurité, de leur fortune, de leur confort, combien peu ils ont su que la vie peut être aussi démesure et tension, cela peut nous surprendre éternellement et nous arracher à tous nos gonds; dans leur libéralisme et leur optimisme touchants, combien peu ils ont soupçonné que le jour qui commence à poindre à la fenêtre peut briser notre vie.

Même dans les nuits les plus noires, ils ne pouvaient concevoir en rêve combien l’homme peut devenir redoutable, mais aussi combien il a de force pour affronter les dangers et surmonter les épreuves. Nous, jetés à travers tous les rapides de l’existence, nous, arrachés à tout enracinement, nous qui recommençons à partir de rien chaque fois que nous sommes acculés à une impasse, nous, victimes mais aussi serviteurs volontaires de puissances mystiques inconnues, nous, pour qui le bien-être est devenu une légende et la sécurité un rêve puéril, nous avons éprouvé dans chacune des fibres de notre corps la tension d’un pôle à l’autre et le frisson de l’éternelle nouveauté.

Stefan Zweig, Le monde d’hier – Souvenirs d’un européen (coll. Livre de poche/LGF, 1996)

image: Chêne-Bougeries, Genève / Suisse (2025)

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