Chemins de traverse – 93 / Juana Inés de la Cruz

Juana Inés de la Cruz

Enfin, ma déception,
vous êtes arrivée à l’extrême
qui peut en votre être
se vérifier.

Vous avez tout perdu;
mais non pas tout, car je crois
que même au prix de tout
peu chère est la leçon.

Vous n’envierez pas d’Amour
les plaisirs flatteurs:
car qui est échaudé
est très loin du risque.

N’en attendre plus aucun
de consolation me sert;
car c’est aussi un soulagement
que ne pas chercher remède.

Dans la perte même
je trouve réconfort:
car si je perdis le trésor,
la peur aussi s’est perdue.

Ne rien avoir à perdre
me sert d’apaisement;
car ne craint pas les voleurs,
étant nu, le voyageur.

Ni même la liberté
je ne veux tenir pour un bien:
car elle sera un mal ensuite
si comme telle je la possède.

Je ne veux plus de soucis
de bien si incertains,
mais avoir une âme
comme si je n’en avais pas.

Soeur Juana Inés de la Cruz, Poèmes d’amour et de discrétion (La Délirante, 1987)

Auteur/autrice

Partager sur:

Dernières publications

Morceaux choisis – 1239 / Thomas Merton

Thomas Merton Toutes les générations doivent l’appeler bienheureuse, parce que c’est par son intermédiaire qu’elles reçoivent toutes la part de vie et de joie surnaturelles