Nikolaas Sintobin
Apprendre à discerner – LVI
Par crise, on entend une expérience d’impasse vécue comme problématique. La crise s’accompagne souvent d’une succession chaotique de sentiments contradictoires. Comme pour la tristesse, Ignace suggère ici de ne pas faire ce qu’on ferait spontanément.
Lorsqu’on est en crise, on veut généralement en sortir le plus vite possible. Le conseil que donne Ignace à ce sujet est diamétralement opposé à ce réflexe. En temps de crise, il vaut mieux s’abstenir de faire des choix. Il conseille, dans la mesure du possible, de ne rien changer. Mieux vaut s’en tenir aux décisions qu’on a prises auparavant. On peut supposer qu’à ce moment-là, on était dans le calme et qu’on avait ses repères. Il est donc préférable de ne pas remettre trop vite en question les choix faits précédemment. Le calme reviendra. A ce moment-là, on pourra discerner sur ce qu’on doit faire.
Parfois, on ne ressent rien. Même pas dans des relations ou des engagements importants au sujet desquels on a généralement des sentiments bien précis. On a le droit de ne rien ressentir. Cela fait partie de la vie. Cela n’oblige aucunement à remettre immédiatement en question son mariage ou d’autres engagements. Après tout, il y a eu avant, au plus profond de l’âme, l’expérience que c’était bien. On peut s’appuyer sur ce ressenti antérieur.
Dans un sens plus large, un être humain a le droit de se sentir moins bien. La joie est souhaitable. Mais cela ne signifie pas que l’on doive céder à la dictature du bien ressenti. Se sentir bien tout le temps, aussi agréable soit-il, n’est pas vital.
Nikolaas Sintobin, Apprendre à discerner / extraits (Fidélité, 2020)