Jacques Maritain
Ma solitude à moi? Il me semble que c’était celle d’une espèce de scaphandrier maladroit, avançant comme il pouvait au milieu de la faune sous-marine des vérités captives et des larmes du temps. On ne saura jamais à quelles tentations de tristesse noire et de désespoir un philosophe peut être exposé à mesure qu’il descend dans la connaissance de soi-même et de la grande pitié qui est au monde. C’est dans la nuit qu’enfin sera ici-bas son repos, si dans cette nuit plus proche de Dieu que le jour, plus désolée aussi, une invisible main qu’il aime le conduit comme un aveugle.
Jacques Maritain, Carnet de notes, dans: Daniel-Ange, Les feux du désert, vol. 1 / Solitudes (Rémy Magermans, 1973)