Jean-Alexandre de l’Agneau
Solennité de tous les saints: fête magnifique! Mais aussi fête redoutable. Fête magnifique, au sens propre: en effet, que célébrons-nous aujourd’hui? Ce n’est pas une foule d’idoles que nous admirons ou de héros hors du commun; ce sont les grandes œuvres que le Seigneur fit pour cette assemblée sainte. Dieu a magnifié Sa sainteté dans la vie de ces innombrables visages, inconnus de nous mais connus de Dieu. En évoquant ces visages, nous sommes dans la joie et dans l’allégresse. Nous chantons Magnificat, le Seigneur fit pour eux des merveilles, comme Il l’a fait chez la toute Sainte, la Vierge Marie. Oui, fête magnifique que celle de tous les saints.
Mais pourtant, elle est aussi redoutable cette fête. Redoutable en ce sens que nous pouvons passer complètement à côté: après avoir admiré tant de saints, nous rentrons chez nous, reprenant une activité normale. Car au fond, la sainteté, c’est pour eux, pour les autres, pas pour moi; pour les saints, c’était facile, tout était tracé d’avance, tandis que pour moi… Redoutable tentation que celle-ci! Redoutable car subtile… Celui qui s’est déjà mis en chemin vers la sainteté; celui qui a cru effectivement qu’en tant que baptisé, il est appelé à cette sainteté de Dieu, comme l’a martelé le concile Vatican II; celui-là s’est rendu compte à un moment ou un autre que ce n’est pas si aisé que de devenir saint. Qu’advient un temps où nous sommes tentés de jeter l’éponge, de croire que nous nous sommes faits avoir et que, décidément, non, la sainteté, c’est pour les autres.
Or, ce qui nous est demandé c’est de croire et d’espérer notre propre sainteté: pas celle que nous imaginons, mais celle que Dieu veut nous donner. Celle qui se diffusera peu à peu dans notre fidélité quotidienne, celle qui grandira à travers les épreuves purifiant nos désirs, celle qui nous rendra semblables à Celui que nous attendons. Nous le comprenons donc maintenant: nos fausses excuses pour ne pas nous sentir concernés par cette fête ne tiennent plus. Nous sommes tous appelés à la sainteté; il s’agit simplement d’y croire. En fait l’acte de croire et d’espérer est la manière dont nous laissons l’Esprit Saint agir en nous et nous sanctifier.
Ne redoutons plus cette magnifique fête, tournons-nous intérieurement vers nos frères et sœurs du ciel; faisons jouer à notre profit la communion des saints pour qu’ils nous entraînent dans leur course vers la vie qui ne finit pas. Non en ce jour, décidément, rien à redouter, tout à magnifier. Que le Dieu trois fois saint en soit béni aujourd’hui et à jamais.
Jean-Alexandre de l’Agneau, Homélie pour la solennité de tous les Saints / extrait (carmel.asso.fr)
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