Rainer-Maria Rilke
O nostalgie des lieux
qui n’étaient point assez aimés à l’heure passagère,
que je voudrais leur rendre de loin le geste oublié,
l’action supplémentaire!
Revenir sur mes pas,
refaire doucement – et cette fois, seul – tel voyage,
rester à la fontaine davantage,
toucher cet arbre, caresser ce banc…
Monter à la chapelle solitaire que tout le monde dit sans intérêt;
pousser la grille de ce cimetière,
se taire avec lui qui tant se tait.
Car n’est-ce pas le temps
où il importe de prendre un contact subtil et pieux?
Tel était fort, c’est que la terre est forte;
et tel se plaint: c’est qu’on la connaît peu.
Rainer-Maria Rilke, Vergers (coll. Poésie/Gallimard, 1978)
image: Sessa, Tessin / Suisse (2011)