Bernard de Clairvaux
Sois prudent, ne va pas, pour soulager le prochain, te jeter toi-même dans la détresse; mais sois sage, à l’imitation de Celui qui nous comble de sa plénitude. Apprends à ne donner que ce qui en toi surabonde, ne prétends pas être plus généreux que Dieu.
Le bassin suivra l’exemple de la source, qui ne forme ni ruisseau courant, ni lac étendu, avant d’être elle-même saturée de ses propres eaux. Il n’y a aucune honte, pour le bassin, à ne pas prodiguer ses eaux plus largement que ne le fait la source elle-même. Car enfin la Source de toute vie, pleine en elle-même et par elle-même, a bien commencé par déverser le bouillonnement de son trop-plein sur les proches espaces des cieux, qu’elle a comblés de sa bonté; ensuite seulement, une fois remplis ces hauts lieux invisibles, elle a jailli jusque sur la terre, ses eaux superflues sauvant hommes et bêtes, à mesure que se multipliait la divine miséricorde.
Elle a inondé d’abord ses propres demeures, puis, débordant de compassion, elle a visité la terre, elle l’a enivrée, elle a redoublé de grâces afin de la doter merveilleusement. Suis cet exemple. Aie soin de te remplir avant de déverser tes eaux. La douce et sage charité est affluence, non point écoulement incontrôlé.
Bernard de Clairvaux, Sur le Cantique des Cantiques, dans: Oeuvres mystiques (Seuil, 1951)
image: Abbaye de La Trappe, France (latrappe.fr)