Yves Raguin
Chemins de la contemplation – XIV
L’infinie diversité des manifestations du divin dans une vie humaine est esquissée dans la vie du Christ… et Dieu continue à se montrer dans la vie de tous les jours, sous mille visages. La contemplation des mystères du Christ est aussi notre jugement. C’est ce que Jésus a dit Lui-même. La lumière nous est présentée, elle ne nous est pas imposée. Si nous désirons voir plus clair, nous le pouvons. Mais, pour voir clair, il faut s’enfoncer dans le mystère. Quand on entre dans une grotte, il faut un certain temps pour s’habituer à l’obscurité, et une lumière se fait sensible qui suffit pour se diriger. Si nous avons peur du premier pas dans la nuit et refusons de le faire, jamais la lumière de Dieu n’illuminera nos âmes.
L’essentiel, ce ne sont ni le cadre, ni les gestes, ni les paroles, ce ne sont pas davantage nos sentiments, c’est le Christ Lui-même. Et ce Christ ne doit pas être une construction de notre esprit, une projection de nous-même. Pour échapper à ce danger, il faut que la contemplation des mystères soit toujours dans une totale docilité à la révélation que l’Evangile nous fait du Christ. C’est sans aucun doute pour nous mettre plus directement en face de la personne du Christ qu’aucun des Evangiles ne nous a parlé de l’aspect extérieur de Jésus. Je crois que cette connaissance nous aurait arrêtés sur le chemin du mystère lui-même. Nous l’aurions vu trop clairement des yeux du corps.
Souvent, les débutants se plaignent de n’avoir pas assez d’imagination… Cela n’a pas d’importance. Le texte de l’Evangile donne le récit… Il suffit pour donner prise à l’acte de foi qui atteint la personne même du Sauveur. Sans cette prise de contact dans la foi, nous ne faisons que nous promener dans un décor sans âme. Dans l’acte de foi, nous atteignons le Verbe de Dieu, et la vie divine nous est donnée en abondance. Et combien, en voyant le Fils, ont, dans ce même regard, vu le Père… Ici s’achève l’effort de contemplation.
Yves Raguin, Chemins de la contemplation (Desclée de Brouwer, 1969)
image: Carmel du Pâquier, Suisse (2017)
