Vous verrez le Ciel ouvert – XXII
Les entretiens de Charles Journet
Plusieurs erreurs sont à la racine d’objections qui ont été soulevées au cours des âges: il n’y a pas de Providence, pas de Dieu, et alors à quoi bon s’adresser à quelqu’un qui n’existe pas? Tout est déterminé dans cet univers qui, comme disait le poète, est comme une grande roue qui ne peut se mouvoir sans écraser quelqu’un. A quoi bon, alors, prier? Vous avez encore cette erreur, moins philosophique mais peut-être plus répandue: comment pouvez-vous prétendre changer par la prière les desseins de Dieu. Que valent ces objections? Elles se brisent comme un verre de cristal qu’on laisse tomber sur l’asphalte. Mais oui, il faut prier, parce qu’il y a un grand Dieu qui est Providence.
La prière a pour fin, non pas de changer Ses desseins, mais de Lui présenter nos requêtes, et, si nous ne résistons pas à l’impulsion qu’Il nous donne pour Le supplier, Il nous accordera les choses dont nous avons besoin, parce que nous les Lui aurons demandées. Il sait de toute éternité que telle chose se produira parce qu’Il sait de toute éternité qu’elle aura été demandée. L’exemple le plus immédiat que je puisse vous donner, c’est celui du laboureur qui dirait: Dieu sait bien si l’été prochain je moissonnerai ou non, c’est déjà décidé, donc inutile de semer cet automne. Que faudrait-il répondre à ce laboureur, Dieu sait que vous moissonnerez ou ne moissonnerez pas l’été prochain, parce qu’Il sait de toute éternité que vous aurez semé ou que vous ne l’aurez pas fait. Il y a donc des choses que Dieu décide d’accorder à nos prières. Et Il sait de toute éternité qu’elles seront données ou refusées, parce que de toute éternité Il voit que vous avez ou accepté, ou refusé, Son invitation à prier.
Charles Journet, Entretiens sur la prière / extraits (Parole et Silence, 2006)
image: Chartreuse de la Valsainte, Charmey / Suisse (acustica-godel.ch)