Morceaux choisis – 1002 / Claude Fuchs

Claude Fuchs

Marie-Madeleine est comparée à la bien-aimée du Cantique des Cantiques à la recherche de son bien-aimé; l’hymne à l’amour – cf. 1 Co 13, 1-7 – rappelle que tout ce qui constitue notre vie de chrétiens – notre louange, nos connaissances théologiques, nos bonnes œuvres – ne restent qu’extérieurs et n’ont pas de réelle valeur sans l’amour. Qu’implique dans nos vies le fait d’aimer le Christ? C’est ce que nous montre Marie-Madeleine et c’est ce en quoi elle nous intéresse, nous tous chrétiens, que l’amour du Christ a personnellement touchés d’une manière ou d’une autre et qui cherchons à y répondre de notre mieux.

Un tel amour pourtant, comme tout amour, a aussi son prix. Etre compagne ou compagnon du Christ n’est pas un bonheur de tout repos. Pour Marie-Madeleine cela a tout d’abord sans doute signifié renoncer à la vie confortable. Renoncer à ce confort pour suivre Jésus, cet homme fascinant, sans doute, mais aussi contesté dans ses pérégrinations un peu partout dans le pays, ce n’était pas rien pour une femme d’alors. Et encore aujourd’hui, suivre Jésus nous demande à nous aussi bien des renoncements: à ce qui aurait pu devenir une brillante carrière peut-être, ou à certaines libertés que nous aurions alors pu nous permettre. Suivre Jésus, alors comme aujourd’hui, veut peut-être aussi dire accepter quotidiennement la compagnie d’hommes ou de femmes que nous n’aurions pas nécessairement choisis. Mais il y a bien pire: Aimer nous rend vulnérables, aimer nous rend dépendants. Sur mon lit, la nuit, j’ai cherché celui que mon âme désire; je l’ai cherché; je ne l’ai pas trouvé (Ct 3, 1), telle était la plainte de la bien-aimée du Cantique. Elle se lève, fait le tour de la ville, cherche dans les rues et les places, interroge les gardes. Mais en vain. Imaginons la peur et la souffrance de Marie-Madeleine suivant Jésus dans Sa passion, imaginons son désespoir en Le regardant de loin mourir sur la croix. Et maintenant, au matin de Pâques, Le voilà une fois de plus disparu. Même le tombeau n’a pas pu Le retenir. Moi aussi, à côté des moments de bonheur et de joie, je connais les temps de sécheresse spirituelle, les moments de questionnements et de doutes. Je me mets alors à douter non seulement de Dieu et du Christ mais aussi et surtout de moi-même. Qu’en est-il de ma foi, qu’en est-il de mon amour? N’était-ce qu’illusion, qu’hypocrisie? A qui aller, puisque Lui-même semble ne plus me répondre?

Marie! – Rabbouni! (Jn 20, 16). Quelle explosion de joie, quelle intimité et quelle certitude à la simple mention de son nom, à la simple mention de mon nom. Non, il ne m’a pas abandonnée! Il me reconnaît et m’aime toujours. J’ai trouvé celui que mon âme désire: je l’ai saisi et ne le lâcherai pas (Ct 3, 4) raconte la bien-aimée du Cantique. Ainsi Marie-Madeleine. Comme les disciples sur le mont de la Transfiguration, elle voudrait que cet instant puisse durer et ne plus jamais prendre fin. Mais Jésus lui dit: Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu (Jn 20, 17). Pour l’instant, ni la tâche du Christ, ni celle de Marie-Madeleine, ni la mienne ne sont encore terminées. Il s’agit que le feu de l’amour puisse embraser le monde tout entier. Ce n’est qu’alors que notre amour trouvera pour toujours son repos en Dieu.

Claude Fuchs, Fête de Marie-Madeleine / extrait – 22 juillet 2020 (grandchamp.org)

image: Rogier van der Weyden, Marie-Madeleine lisant, 1445 / détail (wikiart.org)

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