Regards ignatiens – XVIII
Ignace de Loyola
Le don des larmes ne peut se demander sans aucune réserve, car il n’est ni nécessaire, ni bon et convenable pour tout le monde. Celui dont la volonté et la vie supérieure de l’âme viennent en pitié aux misères du prochain, qui veut lui porter secours de toutes ses forces et qui y travaille avec la volonté efficace de prendre tous les moyens, à cet homme d’autres larmes ne sont pas nécessaires, ni une autre tendresse de coeur.
Certains, il est vrai, les éprouvent; leur naturel fait que les sentiments de la partie supérieure de leur âme débordent facilement sur l’inférieure, ou bien Dieu notre Seigneur juge qu’il leur est utile de fondre ainsi en larmes. Ils n’en ont pas pour autant une plus grande charité, ils n’en sont pas meilleurs apôtres que d’autres qui ne connaissent pas ces larmes. Ces derniers ont pourtant dans la partie supérieure de leur âme des sentiments aussi forts, disons une volonté aussi puissante et aussi efficace pour le service de Dieu et le bien des âmes, que ceux qui ont des larmes en abondance.
Or, c’est cela, l’acte propre de la charité. Je vous dirai même, comme je le pense, que, s’il était en mon pouvoir d’accorder à certains le don des larmes, je m’en garderais, parce qu’elles ne les aident nullement, portant dommage au corps et à la tête et dès lors empêchent tout exercice de charité.
Ignace de Loyola, Lettre à Nicolas Floris / extrait – 22 novembre 1553, dans: Ignace de Loyola, Ecrits (coll. Christus/Desclée de Brouwer, 1991)
image: Juan Martínez Montañés et Francisco Pacheco, San Ignacio de Loyola (catholicsun.org)