Charles Delhez
Ce Dieu inutile – VII
L’adoration, c’est la prière lorsqu’elle ne sert plus à rien. Elle jaillit quand l’homme ne trouve plus les mots et que les idées savantes deviennent superflues. Le coeur se laisse alors envahir par le trop-plein de Dieu. Il suffit qu’Il soit. Il suffit que je sois là, certain de Sa présence. Adorer, c’est percevoir, fût-ce en un instant fugitif, que rien n’a du poids en face de Lui, que tout est évanescent en regard de cette suprême Présence. C’est le face-à-face avec un Dieu que l’on ne tente plus de récupérer ou d’utiliser. Plus de comptes ni de marchandages. C’est l’arrêt de toutes discussions. L’adoration est reconnaissance d’un Dieu de surabondance.
Il n’y a guère de mots ou de formules pour ce genre de prière. Mais la densité du silence se fait tour à tour émerveillement et humilité. Adorer: ni aliénation, ni mysticisme, mais découverte de la véritable épaisseur des choses à cause de Lui. L’amour s’épanouit toujours en silence. On reçois l’Autre tel qu’Il est et dans la joie de ce qu’Il est. Pour un être qui aime, plus rien n’existe hormis l’aimé. Ou plutôt, tout existe à cause de lui. L’amant découvre que tout en lui est reçu de l’aimé. En dehors de cette relation, la lumière devient fade et les joies creuses.
Nul verbe ne peut traduire l’émoi d’un coeur lorsqu’il prend conscience de cet absolu de Dieu. Il n’y a plus qu’à être là, toutes affaires cessantes, pauvre de mots et de gestes, simple présence offerte à l’émerveillement et à la gratitude.
Charles Delhez, Ce Dieu inutile (coll. Foi Vivante/Lumen Vitae & Fidélité, 1995)
image: Charles Delhez (cathobel.be)