Charles Delhez
Ce Dieu inutile – XIII
Chaque fois que fleurit une nouvelle amitié, des pans entiers de notre personnalité, insoupçonnés jusqu’alors, viennent au jour. L’ami est celui qui peut susciter en moi de nouveaux paysages et qui me révèle qui je suis. Tant d’hommes recèlent en eux des trésors que jamais personne n’a déterrés. Sans les autres, je ne pourrais pas naître à moi-même. Et ma vocation est d’éveiller les autres à eux-mêmes. Chaque amitié est comme une nouvelle naissance pour les deux compagnons.
L’ami dans l’homme, c’est la part qui est pour toi et qui ouvre pour toi une porte qu’il n’ouvrira sans doute jamais ailleurs, écrivait Saint-Exupéry. Mais qui donc ouvrira toutes mes portes sans les forcer? Qui m’aimera assez pour me faire naître totalement? Qui prononcera ce je t’aime inconditionnel auquel tout mon être aspire?
Toutes ces amitiés, marquées par la finitude et les limites humaines, viennent libérer en nous le désir d’un amour total qui puisse fonder jusque dans ses racines notre existence. Elles nous mettent en route vers Celui qui révélera les profondeurs cachées de notre personnalité et suscitera en nous des possibles toujours nouveaux. Elles nous font soupirer après cet être dont l’amour pour nous passerait radicalement notre indignité et les fluctuations de notre amour pour Lui. (Jean Nabert)
Charles Delhez, Ce Dieu inutile (coll. Foi Vivante/Lumen Vitae & Fidélité, 1995)
image: Charles Delhez (cathobel.be)