Nikolaas Sintobin
Apprendre à discerner – LV
Une variante particulière de la tristesse est la peur. La peur peut littéralement figer un personne et la couper de la vie. La peur a quelque chose de fascinant. Elle a une tendance naturelle à grandir et prendre toute la place. La raison en est simple. La peur a, intrinsèquement, la capacité d’avancer toutes sortes d’arguments pertinents, souvent difficiles à réfuter, afin d’expliquer pourquoi les scénarios apocalyptiques deviendront nécessairement réalité. Il semble donc normal et inévitable que l’on ressente de la peur. Ainsi, la peur se nourrit et se renforce par elle-même et peut devenir obsessionnelle.
De tous les mouvements affectifs négatifs, la peur est peut-être le plus destructeur. Pourtant, il n’est pas très difficile de lui couper les vivres. Quatre points d’attention peuvent être utiles à cet égard:
Il est important de ne pas garder la peur pour soi, mais d’en parler. La peur se développe bien mieux dans le secret. Parler de la peur avec une personne de confiance peut être une première étape importante. Cela peut aider à contrecarrer la logique de la peur, qui enferme et grandit par elle-même.
Un deuxième outil peut être d’examiner de manière critique les faits à l’origine de la peur. Souvent, la perception de ces faits est confuse, incorrecte et incomplète; des liens erronés sont établis et des conclusions fausses sont tirées, d’où leur effet anxiogène. L’expérience que nous venons de décrire est peu-être l’occasion idéale d’apporter plus d’objectivité et de calme.
Le troisième conseil est le plus important et le plus fondamental. La force de la peur réside avant tout dans la conviction qu’elle est justifiée. On pense honnêtement qu’on a raison de se sentir angoissé. Les arguments avancés prouvent qu’on n’a pas d’autre choix que d’avoir peur. C’est exactement là que se situe la tromperie de la peur. Souvent, il est exact que ce dont on a peur peut effectivement se produire. Seulement, il ne faut pas en avoir peur. On peut faire face aux problèmes. C’est bien ce qu’on fait du matin au soir.
Un quatrième point d’attention concerne le fait que la peur est souvent liée a des problèmes, imaginés ou non, qui se situent dans un futur vague. La conséquence sournoise de cette anxiété vis-à-vis d’un futur qui n’existe pas encore est d’empêcher de vivre pleinement dans le présent, qui lui, existe bel et bien.
La peur est mauvaise conseillère. Le chemin vers une vie plus riche et plus abondante est indiqué par la confiance et l’espérance, et non par la peur. Ce n’est pas pour rien que Jésus ne cesse de dire: N’aie pas peur (Mc 6, 50) …
Nikolaas Sintobin, Apprendre à discerner / extraits (Fidélité, 2020)