Vassili Grossman
Si nous y réfléchissons, nous voyons que la bonté privée, occasionnelle, sans idéologie, est éternelle. Elle s’étend sur tout ce qui vit, même sur la souris, même sur la branche cassée que le passant, s’arrêtant un instant, remet dans une bonne position pour qu’elle puisse cicatriser et revivre. En ces temps terribles où la démence règne au nom de la gloire des états, des nations et du bien universel, en ce temps où les hommes ne ressemblent plus à des hommes, où ils ne font que s’agiter comme des branches d’arbre, rouler comme des pierres qui, s’entraînant les unes les autres, comblent les ravins et les fossés, en ce temps de terreur et de démence, la pauvre bonté sans idée n’a pas disparu.
Vassili Grossman, Vie et destin (L’Age d’Homme, 1995)
image: Vassili Grossman / 1945 (publico.pt)



