Chemins de traverse – 782 / Jacqueline Kelen

Jacqueline Kelen

Libre de tout pouvoir et de toute dépendance, le solitaire sait être heureux sans attendre l’approbation d’autrui. Il a conscience que les jours passent vite, qu’il ne faut pas remettre à plus tard d’aimer, de rire, de connaître, de bâtir. Il se tient volontiers à l’écart d’un monde où règne le cynisme, où s’oublie la ferveur. Il ne se dissout pas dans le genre humain ni dans une vague génération, mais il a le sens de l’amitié – relation d’égalité par excellence -, il favorise les rencontres désintéressées, il aime les personnes avec lesquelles il peut aussi bien se taire que converser. Et il apprécie autant la présence d’un chat, d’un arbre, d’une pierre, que la compagnie des hommes, car tout a valeur à ses yeux. Il se moque bien de plaire ou d’avoir raison. Ce qui lui importe surtout est de ne pas s’avilir, de ne pas abjurer. Ce qu’il déteste le plus a nom insignifiance. D’où une autorité certaine qui émane de lui et qui n’est point un pouvoir. Le solitaire a compris que le but n’est pas d’asservir l’autre – c’est si banal et pour soi-même humiliant – ni de le dépasser mais bien d’exercer son courage et de faire l’apprentissage de sa propre noblesse.

Jacqueline Kelen, L’esprit de solitude (Albin Michel, 2005)

image: https-//nospensees.fr

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