Chemins de traverse – 788 / Sylvain Tesson

Sylvain Tesson

La lumière possède une chair, un velouté, une odeur. Lorsqu’il fait chaud, on l’entend bourdonner. Elle tourbillonne dans les arbres et révèle chaque rocher, souligne le reflet, allume ses étincelles sur la mer. Il faudrait étudier scientifiquement les phénomènes atmosphériques, hydrographiques et géologiques qui confèrent à la lumière grecque cette immanence, cette douloureuse limpidité.Pourquoi la mer semble-t-elle ici plus qu’ailleurs un rêve d’ombre éclatante? Pourquoi les îles paraissent-elles naître avec le jour? Faudrait-il admettre que les hommes, à force d’avoir chanté l’incomparable puissance de la lumière, ont fini par en rehausser l’éclat? Ou bien s’avouer que les dieux existent vraiment et que tout ce que l’on racontent à leur sujet, de Hésiode à Cavafis, ne sont pas des fables?

Les Grecs ont tiré des enseignements de cette averse lumineuse. A force de vivre dans un rayon d’or, ils ont compris que le séjour terrestre ressemblait à ce court intervalle entre le matin et le soir, où tout se dévoile, et qui s’appelle le jour et dont l’addition constitue une vie. 

Sylvain Tesson, Un été avec Homère / extraits (Les Equateurs/France Inter, 2018)

image: Tinos, Grèce (rei.com)

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