Chemins de traverse – 779 / Naguib Mahfouz

Naguib Mahfouz

Sa part de bonheur, en cette existence, tenait au réveil de son cœur éteint; le réveil des cœurs est une joie, même si il faut en payer le prix de son sang et de sa sérénité. Pouvait-il nier que son cœur s’était figé, comme pris dans la glace, incapable qu’il était de trouver sommeil ni repos? Et voici qu’une vie nouvelle se profilait, le balcon en donnait l’assurance. Quelle en serait la suite, quelle en serait la fin? Dans sa joie, il lui importait peu de savoir de quoi serait fait demain.

Que l’horizon s’illumine ou s’obscurcisse, que la chance lui sourie ou lui tourne le dos, l’important restait que son cœur reprit goût à la vie. Certes, depuis quelques jours, il était troublé, son cœur palpitait en mille occasions, mais il accueillait avec bonheur cette inquiétude. Il ne trouvait de joie qu’entremêlée d’interrogations, mais ces interrogations lui apportaient l’espoir; il espérait dans l’angoisse, mais vivait l’angoisse avec délices.

Ainsi allait la vie, et la vie est plus belle que la mort, quelles que soient les souffrances apportés par l’une, et le repos procuré par l’autre.

Naguib Mahfouz, Le cortège des vivants (coll. Babel/Actes Sud, 2010)

image: Alexandrie, Egypte (footage.framepool.com)

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