René Char
Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains. La vérité attend l’aurore à côté d’une bougie. Le verre de fenêtre est négligé. Qu’importe à l’attentif.
Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému. Il n’y a pas d’ombre maligne sur la barque chavirée.
Bonjour à peine est inconnu dans mon pays. On n’emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.
Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de ne pas avoir de fruits.
On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.
Dans mon pays, on remercie.
René Char, Qu’il vive – Les Matinaux, dans: Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)