L’écharde dans la chair – 29

Jean-François Noel

Eloge de la sainteté ordinaire – XXIX

Il nous faut passer par le haut, emprunter d’emblée une voie qui pourrait paraître un chemin d’orgueil aux yeux de ceux qui se forcent à l’humilité. C’est une haute idée d’eux-mêmes qui incite les saints à ne pas tenir pour acquis ce qu’ils sont aujourd’hui, dans la mélasse de l’ordinaire. Ils valent mieux que ce qu’ils sont. C’est-à-dire qu’ils font la part entre ce qu’ils sont aujourd’hui et ce qu’ils aspirent à être. Même si chaque jour apporte de quoi démentir leur espérance, ils n’en démordent pas. C’est déjà un pas décisif que de ne pas consentir: Je fais le mal que je ne veux pas (Rm 7,19) dit saint Paul et j’ajoute: je continue à ne pas le vouloir même si je le fais.

Qu’est-ce qui nous fait croire que nous sommes les seuls à subit la médiocrité de ce vieil homme? Je veux désigner celui qui, en justifiant nos erreurs et nos faiblesses, nous pourrit la vie, et nous entraîne vers le bas… En tout premier lieu, ne lui accorder aucun crédit, ensuite le dénoncer sans crainte, et dresser la liste précise de ses méfaits. Confondre ce mesquin, cet envieux, ce calculateur permanent, ce sensuel invétéré afin de ne pas tomber dans le piège qui nous fait croire qu’il aura le dernier mot.

Le vieil homme, comme un brouillon raté, est la caricature dont la virulence est à la mesure du pressentiment de sa perte. Car il va crever, au sens propre du terme et nous, nous vivrons enfin. C’est la conviction des saints et de tous ceux qui s’engagent avec eux. Il faut lever l’imposture. Le combat est engagé, et même si les premiers résultats semblent donner raison au vieil homme, ses jours sont comptés. Le saint rit à l’avance de cette victoire. Pour autant, l’enjeu n’est pas mince.

Jean-François Noel, L’écharde dans la chair – Eloge de la sainteté ordinaire (Desclée de Brouwer, 2011)

image: Duccio di Buoninsegna, La transfiguration (nationalgallery.org.uk)

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