Jean-François Noel
Eloge de la sainteté ordinaire – XIX
Pour ma part, je me suis constitué un petit agenda de saints connus de moi seul. Saints d’un instant, telle cette caissière de supermarché qui réussit à faire de cet endroit une rencontre humaine et chaleureuse, ou cette mère, patiente à l’infini, qui se penche vers le berceau de cette fille qui ne grandira pas, qui ne parlera pas, et qui ne lui donne même pas ce petit bout de sourire qu’elle attend plus que tout.
Ce dévouement de l’un, cette disponibilité de l’autre, l’humilité du troisième, etc. Peut-être sont-ils des monstres par ailleurs, en fait j’en doute. La bonté, la charité, la soif de pardon sont contagieuses. Elles sont mes préférées. D’abord parce que j’en ai été le témoin involontaire, le bénéficiaire indigne, et je me dois d’en être la mémoire. Pour eux, pour moi, pour ce qu’est la grande Eglise, qui rassemble en un seul Corps des humanités renouvelées.
Sans savoir, ils ont donné et justifié sans conteste ce bout de sainteté que je leur attribue. Remarquez que, vue sous cet angle, la sainteté ainsi désignée perd de sa superbe et se rapproche dangereusement de ce qui devrait être ma préoccupation ordinaire.
Jean-François Noel, L’écharde dans la chair – Eloge de la sainteté ordinaire (Desclée de Brouwer, 2011)
image: Duccio di Buoninsegna, La transfiguration (nationalgallery.org.uk)
