L’écharde dans la chair – 7

Jean-François Noel

Eloge de la sainteté ordinaire – VII

Le mot de sainteté nous oblige à regarder par-dessus la barrière. Une nouvelle équation semble de mise. Il n’y a aucune raison de penser qu’ils sont partis – les saints – d’un autre point de vue que le nôtre. Ils l’éprouvent comme je l’éprouve. J’ai en moi une beauté cachée que je gâcherai si je m’acharne à vouloir la garder, ou l’ignorer, ce qui revient au même. Elle s’effritera dans mes doigts crispés.

Le saint a les mains ouvertes, il regarde, scrute et force les fausses évidences. Cela ne nous est-il jamais arrivé de ressentir ces mensonges accomodants comme des injures à la vérité et à la beauté? D’aspirer à donner à notre nature ce qu’elle semble réclamer à cor et à cri et que nous dépensons une énergie folle à taire, parce que ce cri nous encombre et nous effraie à cause de la fragilité par laquelle nous devrions passer? Ce qu’il nous faudrait alors, c’est retrouver ce premier regard que le saint jette autant sur lui-même que sur le monde qui l’entoure. Il ne se laisse pas engluer ni dans les beautés ni dans les laideurs des apparences. Tout est et reste signe.

Tout ce qui est créé est systématiquement replacé à sa juste place et relié à son origine. Le saint aime les échelles. Celles qui mesurent chaque chose en fonction de Dieu sont justement celles qui relient la terre et le ciel. Première certitude qui romp avec l’idée tentante d’un Dieu absent. Car silence ne signifie pas pour autant indifférence. Que le ciel s’inquiète de la terre, il n’en a pas la preuve, mais le saint ne parie pas sa vie sur ce qu’il pourrait vérifier. Vérifie-t-on un amour? On le nourrit et on s’y risque, et c’est ainsi que le saint s’élance vers Dieu.

Jean-François Noel, L’écharde dans la chair – Eloge de la sainteté ordinaire (Desclée de Brouwer, 2011)

image: Duccio di Buoninsegna, La transfiguration (nationalgallery.org.uk)

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