Cristina Kaufmann
La nuit comme le jour illumine – XI
La condition d’exil fait partie de l’expérience des chrétiens de tous les temps. Comment vivons-nous cette vérité dans le concret de notre existence?
Nous expérimentons le désert parce que nous vivons loin de nous-mêmes, aliénés par tant d’influences extérieures négatives auxquelles nous ne pouvons ou ne savons pas nous soustraire. Une insatisfaction profonde nous étreint: tout est fugace, la mort et la finitude nous cernent de toutes parts. Il n’y a aucun appui sûr où s’accrocher, le temps est inexorable qui emporte tout, nous laissant dans le dépouillement et la pauvreté du pélerin qui avance fatigué vers le but inconnu.
En dépit de tout cela, la vie fleurit, l’amour existe. C’est là une expérience unanimement partagée, avec une conscience plus ou moins claire. L’amour est le ressort décisif dans la condition d’exil, l’unique force qui nous soutient, qui maintient la vie, quelle que soit la forme de l’amour. Celui qui n’aime pas et qui n’est pas aimé, est en quelque sorte mort. L’amour en tant que nostalgie essentielle de l’homme est ce qui rend possible la patience inlassable du pèlerin que nous sommes. Toute nostalgie rend présent l’objet désiré et la nostalgie de la transcendance, du Mystère, et constitue le contenu même de la vie. C’est la plénitude vécue dans la limitation, dans la finitude.
Eric de Rus, Cristina Kaufmann – Une existence épiphanique (Ad Solem, 2013)
image: Carmel du Pâquier, Suisse (carmel-lepaquier.com)