Vous verrez le Ciel ouvert – 15

Vous verrez le Ciel ouvert – XV

Les entretiens de Charles Journet

Après deux mille ans, l’Eglise s’angoisse de n’être en son acte achevé, comme au premier jour, qu’un petit troupeau. Et en face d’elle, prenant occasion de ses échecs comme de ses victoires, lui disputant et divisant le coeur des hommes, progresse, elle aussi jusqu’à la fin des temps, la Cité du mal, qui découvre maintenant brusquement son visage avec l’apparition, sur l’avant-scène de l’histoire, de l’athéisme absolu.

Pourtant elle ne désespère pas. En même temps que de son impuissance à convertir le monde, elle prend plus clairement conscience que les invitations de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés, passant en quelque sorte par-dessus les moyens visibles dont elle dispose, et utilisant au dehors tout ce qui s’y prête, préparent autour d’elle une zone d’appartenance où c’est elle-même qui devient présente, sous un état d’imperfection et d’înachèvement mais déjà salutaire.

La voilà donc tout ensemble petit troupeau et peuple immense: petit troupeau en tant qu’achevée, peuple immense en tant qu’inachevée. Mais comment cette dénivellation, qui pourrait bien durer jusqu’à la fin du monde, ne déchirerait-elle pas son coeur? Contre ses propres impuissances, contre le progrès de la Cité du mal, contre la malice du temps, elle en appelle à l’au-delà du temps, où seront finies les douleurs de l’enfantement et abolies toutes les résistances qui font ici-bas obstacle à la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu (Rm 8, 21).

Charles Journet, Entretiens sur l’Eglise / extraits (Parole et Silence, 2001)

image: Chartreuse de la Valsainte, Charmey / Suisse (acustica-godel.ch)

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