Morceaux choisis – 947 / Pape François

Pape François

A la faveur de notre expérience de foi et de la sagesse accumulée au cours des siècles, en apprenant aussi de nos nombreuses faiblesses et chutes, nous savons, nous croyants des religions différentes, que rendre Dieu présent est un bien pour nos sociétés. Chercher Dieu d’un cœur sincère, à condition de ne pas L’utiliser à nos intérêts idéologiques ou d’ordre pratique, nous aide à nous reconnaître comme des compagnons de route, vraiment frères. Nous croyons que lorsqu’au nom d’une idéologie, on veut expulser Dieu de la société, on finit par adorer des idoles, et bien vite aussi l’homme s’égare lui-même, sa dignité est piétinée, ses droits violés. Vous savez bien à quelles brutalités peut conduire la privation de la liberté de conscience et de la liberté religieuse, et comment à partir de ces blessures se forme une humanité radicalement appauvrie, parce que privée d’espérance et de référence à des idéaux.

Il faut reconnaître que parmi les causes les plus importantes de la crise du monde moderne se trouvent une conscience humaine anesthésiée et l’éloignement des valeurs religieuses, ainsi que la prépondérance de l’individualisme et des philosophies matérialistes qui divinisent l’homme et mettent les valeurs mondaines et matérielles à la place des principes suprêmes et transcendants. Il est inadmissible que, dans le débat public, seuls les puissants et les hommes ou femmes de science aient droit à la parole. Il doit y avoir de la place pour la réflexion qui procède d’un arrière-plan religieux, recueillant des siècles d’expérience et de sagesse. Les textes religieux classiques peuvent offrir une signification pour toutes les époques, et ont une force de motivation mais de fait ils sont dépréciés par l’étroitesse d’esprit des rationalismes.

C’est pour cela que, même si l’Eglise respecte l’autonomie de la politique, elle ne limite pas pour autant sa mission au domaine du privé. Au contraire, elle ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la construction d’un monde meilleur, ni cesser de réveiller les forces spirituelles qui fécondent toute la vie sociale. Les ministres religieux ne doivent certes pas faire de la politique partisane, qui revient aux laïcs, mais ils ne peuvent pas non plus renoncer à la dimension politique de l’existence qui implique une constante attention au bien commun et le souci du développement humain intégral. L’Eglise a un rôle public qui ne se borne pas à ses activités d’assistance ou d’éducation, mais qui favorise la promotion de l’homme et de la fraternité universelle. Elle n’entend pas revendiquer des pouvoirs temporels mais s’offrir comme une famille parmi les familles, – c’est cela, l’Eglise – ouverte pour témoigner au monde d’aujourd’hui de la foi, de l’espérance et de l’amour envers le Seigneur et envers ceux qu’Il aime avec prédilection. Une maison avec les portes ouvertes. L’Eglise est une maison qui a les portes ouvertes, car elle est mère. Et comme Marie, la Mère de Jésus, nous voulons être une Eglise qui sert, qui sort de chez elle, qui sort de ses temples, qui sort de ses sacristies, pour accompagner la vie, soutenir l’espérance, être signe d’unité pour établir des ponts, abattre les murs, semer la réconciliation.

L’Eglise valorise l’action de Dieu dans les autres religions et ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Mais nous, chrétiens, nous ne pouvons pas cacher que si la musique de l’Evangile cesse de vibrer dans nos entrailles, nous aurons perdu la joie qui jaillit de la compassion, la tendresse qui naît de la confiance, la capacité de la réconciliation qui trouve sa source dans le fait de se savoir toujours pardonnés et envoyés. Si la musique de l’Evangile cesse de retentir dans nos maisons, sur nos places, sur nos lieux de travail, dans la politique et dans l’économie, nous aurons éteint la mélodie qui nous pousse à lutter pour la dignité de tout homme et de toute femme. D’autres s’abreuvent à d’autres sources. Pour nous, cette source de dignité humaine et de fraternité se trouve dans l’Evangile de Jésus-Christ. C’est de là que surgit pour la pensée chrétienne et pour l’action de l’Eglise le primat donné à la relation, à la rencontre avec le mystère sacré de l’autre, à la communion universelle avec l’humanité tout entière comme vocation de tous.

Pape François, Tous frères / Fratelli tutti – Lettre encyclique sur la fraternité (Saint-Augustin, 2020)

image: Sandro Botticelli, Annunciazione di Cestello / Dettaglio (fi.pinterest.com)

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