Chemins de traverse – 307 / Constantin Cavafis

Constantin Cavafis

Etranger,
quand tu verras un village où la nature est riante,
et où chaque platane abrite une jeune fille
aussi belle qu’une rose –
alors arrête-toi, étranger;
tu es arrivé à Nichori.

Et si le soir venant,
tu sors pour une promenade,
et rencontres sur ton chemin des noyers,
ne poursuis pas ton voyage.
Où trouver ailleurs un endroit
plus beau que Nichori.

Nulle part au monde
les fontaines n’ont une telle fraîcheur,
les montagnes n’ont pas ailleurs
la majesté de ses collines:
et l’odeur de la terre suffira pour t’enivrer,
si tu restes à Nichori.

Les feuillages que tu verras là,
n’espère pas les retrouver dans un autre pays.
Contemple depuis les hauteurs
la campagne alentour,
et dis-moi comment ne pas aimer
notre petit Nichori.

Ne crois surtout pas, étranger,
que j’aime exagérer.
Il existe bien des endroits fertiles et productifs.
Mais ils ont quelque chose de plus,
tu l’avoueras toi-même,
les fruits et les fleurs de Nichori.

Si tu veux entrer avec moi
dans l’église de la Vierge de Koumari,
pardonne à ma ferveur excessive.
Les prières ont, il me semble,
un autre charme
dans le pieux Nichori.

Et si tu ne peux pas rester,
avant de partir, étranger, il te faut descendre
un dimanche sur le port, chez Grigori;
tu y verras la paix, la jeunesse et la joie,
alors tu comprendras
ce qu’est notre Nichori.

Constantin Cavafis, En attendant les barbares et autres poèmes (coll. Poésie/Gallimard, 2012)

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