Morceaux choisis – 439 / Guillaume de Saint-Thierry

Guillaume de Saint-Thierry

Tous ceux qui sont dans le Royaume de Dieu, les grands et les petits, chacun selon son ordre, n’aiment-ils pas et ne désirent-ils pas aimer? Et l’unité de l’amour n’empêche-t-elle pas qu’il y ait diversité? Pendant que celui qui en a reçu le don aime plus ardemment, le moindre, de son côté, n’aime-t-il pas dans le plus grand, sans envie, partout où il le voit, le bien qu’il  désire pour lui-même? Et n’est-il pas certain qu’il possède ainsi tout l’amour, si grand soit-il, qu’il aime dans l’Aimant?

A la vérité, c’est l’Amour qui est aimé, lui qui, par la grande affluence et la nature de sa bonté emplit d’une pareille grâce, bien qu’avec une inégale mesure, ceux qui aiment et aiment ensemble, qui se réjouissent et se réjouissent ensemble. Et autant il se verse plus abondamment dans les sens de ceux qui aiment, autant il les rend plus capables de le contenir; il sert à satiété, mais sans dégoût. La satiété elle-même ne diminue pas le désir mais l’augmente, quoiqu’en retirant toute anxiété misérable.

C’est l’Amour en effet, nous l’avons dit, qui est aimé, lui qui, par le torrent de sa volupté, enlève de celui qui l’aime toute misère, soit de dégoût dans la satiété, soit d’anxiété dans le désir, soit d’envie dans le zèle. Il les illumine, comme le dit l’Apôtre, de clarté en clarté (2 Co 3, 18) pour que dans la lumière ils voient la lumière et que dans l’amour ils conçoivent la lumière. 

Guillaume de Saint-Thierry, La contemplation de Dieu, dans: Philippe Baud, La ruche de Cîteaux (Cerf, 1997)

image: Abbaye de La Trappe, France (latrappe.fr)

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