Vous verrez le ciel ouvert – 48

Vous verrez le Ciel ouvert – XXXXVIII

Les entretiens de Charles Journet

Vous connaissez la première strophe de l’Eve de Péguy:

O Mère ensevelie hors du premier jardin
Vous n’avez plus connu ce climat de la grâce
Et la vasque et la source et la haute terrasse
Et le premier soleil sur le premier matin.

Il n’y avait rien d’inadmissible dans l’univers où l’homme avait été créé, ni révolte ni souffrance, ni mort. C’est la liberté de l’homme qui introduit l’inadmissible dans le monde: l’inadmissible de la révolte, de la douleur et de la mort qui s’ensuivront. Un tel drame est-il même possible? Pensez au Songe d’un homme ridicule de Dostoïevski. Cet homme rêve qu’il se tue, qu’il est emporté dans une planète où vit une humanité merveilleusement belle, pure et heureuse, dont le spectacle le ravit d’abord d’admiration, d’enthousiasme, de bonheur… et qu’il finit, sans savoir pourquoi ni comment, par pervertir tout entière. Ce que cet inadmissible de la première catastrophe a déchaîné sur le monde de désordres, d’injustices, de conflits, de souffrances, d’agonies, est-il besoin de le rappeler?

Voilà donc l’inadmissible de la révolte et de ses fructifications. Il fait trop de mal à l’homme pour que Dieu,  s’il est vrai qu’Il nous aime, puisse le tolérer. Que fera-t-il donc? Il enverra Son Fils unique, né de la Vierge Marie, prendre sur Lui notre malheur. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu (2 Co 5, 21). Pure folie. Il faut que Dieu nous aime d’un amour de folie pour consentir à un tel remède. Et Jésus Lui-même racontera la folle parabole des vignerons homicides qui ont tué tous les serviteurs et à qui est envoyé encore quelqu’un: son fils bien-aimé (Mc 12, 6). A l’inadmissible de la révolte contre Dieu, voilà la réponse de l’Amour de Dieu.

Alors, quand nous commençons à comprendre un peu ces choses, c’est nous qui sommes scandalisés. C’est nous qui ne voulons plus que Dieu envoie Son Fils bien-aimé mourir pour les moins aimés. C’est nous qui par amour trouvons inadmissible la Croix que Jésus a portée pour nous. Mais il n’est plus question pour nous de l’admettre. La seule issue qui reste est de L’adorer. Nous adorons la Croix de Jésus.

Charles Journet, Entretiens sur l’Incarnation / extraits (Parole et Silence, 2002)

image: Chartreuse de la Valsainte, Charmey / Suisse (acustica-godel.ch)

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