Morceaux choisis – 950 / Bernard Sesboüé

Bernard Sesboüé

La miséricorde évangélique est l’expression de l’attitude du coeur. C’est en fin de compte la parabole du mystère pascal de Jésus qui se donne pour sauver tout le monde. La miséricorde de Dieu vis-à-vis des hommes est l’attitude d’un amour qui va jusqu’au bout, qui est capable non seulement de donner mais de par-donner. Le pardon est le plus souvent ce qui achoppe dans nos relations. Nous acceptons de donner, mais pardonner à celui qui nous a fait du tort ou a été ingrat est beaucoup plus difficile. On entend souvent des gens dire: Ca, je ne le pardonnerai jamais. Qu’ils ne puissent pas le pardonner aujourd’hui je le comprends, c’est l’expression d’une souffrance extrême. Mais il faudrait pouvoir dire à cette personne: N’injuriez pas l’avenir; dites plutôt: peut-être un jour serai-je capable de pardonner. 

La miséricorde requiert la justice. Elle ne peut pas passer outre. La vraie justice doit se baser sur l’amour. Elle ne peut pas se désintéresser du coupable. C’est ça le propre d’une justice capable d’aller jusqu’à la miséricorde. Dans beaucoup de jugements où la loi prévoit des peines extrêmement sévères, la justice ne l’applique pas de manière impersonnelle et abstraite. Elle va tenir compte des circonstances atténuantes pour permettre une sortie de peine. La justice doit tenir compte de la misère humaine.

La réparation n’est pas la compensation. L’idée que nous avons avec l’équilibre des deux plateaux de la balance qui veut que la peine soit équivalente, de même poids que le mal commis, est fausse. On veut toujours cette compensation, mais elle n’est jamais possible. L’acte négatif commis reste commis. On ne peut jamais effacer totalement toutes ses conséquences qui perdurent parfois de générations en générations. Si on regarde le Christ, Il n’a pas voulu compenser et dire au Père: Il y a eu tant d’offenses, il faut qu’il a ait tant de générosité. Il est dans la logique du il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Jn 15, 13). C’est en cela qu’Il exerce une justice qui peut être miséricordieuse. Il ne faut surtout pas penser la rédemption chrétienne en termes de compensation. Elle est un don qui dépasse infiniment la réalité et le poids du péché.

La réparation est le souci humain de faire tout ce qui est possible pour atténuer la peine de l’offensé. Si j’ai fait un tort grave à quelqu’un, il faut que j’essaye de le réparer de mon mieux. Mais il s’agit d’éviter de rentrer dans une relation de droit, où la réparation serait une condition de la miséricorde. Dans la relation de miséricorde l’amour prime sur le droit.

La miséricorde ne se confond pas avec la tolérance. Parce que tolérer signifier supporter à mon corps défendant, parce que je ne peux pas faire autrement. Il y a dans la tolérance l’idée de faire quelque chose malgré soi. Finalement c’est une attitude un peu méprisante envers la personne où la chose que l’on tolère. Un professeur qui tolère le chahut dans sa classe, ce n’est pas bien du tout. Tolérance est un mot insuffisant ou trop chargé d’éléments négatifs. La miséricorde invite toujours à la conversion, mais elle accepte que cela prenne du temps, que cela soit difficile…

Bernard Sesboüé: La miséricorde c’est le sentiment de générosité devant la détresse / extrait (cath.ch)

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