Jésus-Christ ou rien – 2

Jésus-Christ ou rien – II

Bernard Bro

En face de notre angoisse, je me borne à une remarque, une seule remarque, une remarque pour moi préalable mais capitale. Il n’est pas question de minimiser cette angoisse de tout homme, ni de nous sécuriser de quelque façon que ce soit. Il faut la prendre à bras le corps, sinon on n’a rien à dire. Il n’y a pas d’autre point de départ à tout chemin vers l’espérance: l’angoisse telle que chacun la connaît, à la fois toujours la même et cependant différente pour chaque homme.

Cette remarque est que le propre de l’angoisse est d’être totalitaire, et donc l’espérance ne peut qu’être aussi totalitaire qu’elle, ou bien alors l’espérance n’est pas. Pas plus que l’angoisse, l’espérance ne se détaille. Elle porte indissociablement  sur le but à venir, à espérer et sur les moyens, pour tout de suite, d’espérer et de construire. Précisons ceci: l’angoisse fondamentale qui étreint toute vie d’homme a un double aspect. Et elle n’est angoisse justement que parce que ces deux aspects sont inséparables. Elle porte à la fois sur ce qui va arriver maintenant, et sur ce qui va arriver plus tard. Même pour celui qui n’est pas croyant, la question est là: qu’arrivera-t-il à l’humanité après ma mort? Qu’en sera-t-il pour les enfants de notre génération une fois que je n’y serai plus?

Aucune considération sur l’au-delà ne détournera les hommes de ce temps de leurs angoisses temporelles. La promesse d’un paradis ne résout pas nos problèmes d’aujourd’hui ni ne nous apaise, et nous attendons de l’Eglise qu’elle nous donne une réponse justement à ces problèmes et pas seulement par un discours sur l’au-delà et un Paradis aseptisé. Mais inversement, aucune construction temporelle, aucun messianisme terrestre ne nous délivrera, en fait, de l’angoisse de l’au-delà qui nous travaille tous. Ne serait-ce que les jours où nous n’avons plus envie d’être là pour ne pas voir ce que nos successeurs risquent de voir.

La guérison ne peut être qu’aussi totalitaire que la question, ou elle n’est pas. Et un salut qui n’assumerait pas entièrement cette affirmation ne serait pas sérieux. Si donc l’Evangile, le Christ, Dieu et l’Eglise ont à nous offrir quelque chose de sérieux en face de cette angoisse, ce ne peut être qu’en nous offrant une espérance aussi globale qu’elle.  

Bernard Bro, Contre toute espérance / extraits (Cerf, 1975)

image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)

Print Friendly, PDF & Email

Auteur/autrice

Partager sur:

Dernières publications