Paul Fort
– Ecureuil du printemps, écureuil de l’été,
qui domines la terre avec vivacité,
que penses-tu
là-haut de notre humanité?
– Les hommes sont des fous
qui manquent de gaîté.
– Ecureuil, queue touffue, doré trésor des bois,
ornement de la vie et fleur de la nature,
juché sur ton pin vert,
dis-nous ce que tu vois?
– La terre qui poudroie sous des pas
qui murmurent.
– Ecureuil voltigeant, frère du pic bavard,
cousin du rossignol, ami de la corneille,
dis-nous ce que tu vois
par delà nos brouillards?
– Des lances, des fusils
menacer le soleil.
– Ecureuil, cul à l’air, cursif et curieux,
ébouriffant ton col et gloussant un fin rire,
dis-nous ce que tu vois
sous la rougeur des cieux?
– Des soldats, des drapeaux
qui traversent l’empire.
– Ecureuil aux yeux vifs, pétillants,
noirs et beaux, humant la sève d’or,
la pomme entre tes pattes,
que vois-tu sur la plaine autour de nos hameaux?
– Monter le lac de sang
des hommes qui se battent.
– Ecureuil de l’automne, écureuil de l’hiver,
qui lances vers l’azur, avec tant de gaîté,
ces pommes…
que vois-tu?
Demain tout comme Hier.
Les hommes sont des fous
et pour l’éternité.
Paul Fort, L’écureuil, dans: Ballades du beau hasard – Poèmes inédits et autres poèmes (coll. GF/Flammarion, 2009)
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