Charles Péguy – Présentation de la Beauce – VI

Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres – VI

Le jardin était clos dans un coude de l’Orge.
Vers la droite il donnait sur un mur bocager
Surmonté de rameaux et d’un arceau léger.
En face un maréchal, et l’enclume, et la forge.

Nous nous sommes levés ce matin devant l’aube.
Nous nous sommes quittés après les beaux adieux.
Le temps s’annonçait bien. On nous a dit tant mieux.
On nous a fait goûter de quelque bœuf en daube,

Puisqu’il est entendu que le bon pèlerin
Est celui qui boit ferme et tient sa place à table,
Et qu’il n’a pas besoin de faire le comptable,
Et que c’est bien assez de se lever matin.

Le jour était en route et le soleil montait
Quand nous avons passé Sainte-Mesme et les autres.
Nous avancions déjà comme deux bons apôtres.
Et la gauche et la droite était ce qui comptait.

Nous sommes remontés par le Gué de Longroy.
C’en est fait désormais de nos atermoiements,
Et de l’iniquité des dénivellements :
Voici la juste plaine et le secret effroi

De nous trouver tout seuls et voici le charroi
Et la roue et les bœufs et le joug et la grange,
Et la poussière égale et l’équitable fange
Et la détresse égale et l’égal désarroi.

Charles Péguy, Tapisserie de Notre-Dame, dans: Les tapisseries. précédé de: Sonnets, Les sept contre Thèbes, Châteaux de Loire (coll. Poésie/Gallimard, 1993)

image: Tiziano, Assunzione della Vergine (umanesimocristiano.org)

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