Jésus-Christ ou rien – 15

Jésus-Christ ou rien – XV

Bernard Bro

On a récemment demandé aux élèves des classes terminales d’un lycée de Stockholm d’exprimer par un dessin ce que le mot Dieu évoquait pour eux. L’un des élèves avait seulement représenté un visage. Ce visage était très beau, infiniment serein, souriant dans les nuées comme un visage de Bouddha. En dessous, la terre, couverte de ravages, de cadavres et d’affamés. En légende, cette seule phrase: Pour moi, Dieu, c’est le Tout-Puissant incapable.

Voilà le défi que je vous propose. Et je vous proposerai de pousser ce défi jusqu’au bout. Car nous le pressentons bien: il n’est pas de véritable existence humaine, il n’est pas de pensée humaine, il n’est pas de religion qui ne sache finalement où l’attend l’épreuve fondamentale. C’est une question à laquelle aucune de nos vies n’échappe. La question que tous, sans exception, nous redoutons, celle qui mobilise toutes nos habiletés pour en retarder la rencontre, celle qu’on arrive à cacher ou à régler par la fuite, l’abstraction ou la révolte. Elle est là: dans la rencontre du problème, du mystère, du pouvoir du mal. Qui parmi nous ne s’est pas senti à la fois attiré et repoussé, fasciné et menacé par cette question? Dès le commencement de votre vie, chacun de vous a été en proie à une certaine angoisse de ce combat. Eh bien oui, nous n’ignorons pas qu’il nous mènera jusqu’à l’extrémité de nous-mêmes et que selon l’attitude, selon la réponse que nous aurons choisies, à chacun de nous sera alors révélé, sans appel, le verdict de sa propre vérité.

En face d’un christianisme souvent conçu d’une manière de plus en plus athée; en face de nos manières de vivre qui ne veulent plus se référer à Dieu sinon comme à l’horizon de l’homme qui se fabrique lui-même; en face d’une culture qui voudrait peut-être rester évangélique mais sans recours au Dieu personnel; en face de l’évolution actuelle des systèmes de pensée qui aboutit souvent à nous présenter une religion sans Dieu, nous ne pouvons plus rencontrer le mal et le malheur sans mesurer le risque d’être crucifié pour rien, et nous sommes obligés de nous demander ici: une Parole de la Croix est-elle encore vraie aujourd’hui, oui ou non?

Bernard Bro, Le pouvoir du mal / extraits (Cerf, 1976)

image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)

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