Martin Buber
Ce monde mérite jusqu’à un certain point notre confiance, il a de la densité et de la durée, une ordonnance que l’on peut embrasser du regard, on l’a toujours sous la main, on peut se le représenter les yeux fermés et l’examiner les yeux ouverts; il est là, contigu à ton épiderme, si tu y consens, blotti dans ton âme, si tu le préfères; il est ton objet, il le reste à ton gré, il te demeure familier, que ce soit en toi ou hors de toi.
Il est le seul objet sur lequel tu puisses t’entendre avec autrui, bien qu’il se présente différemment à chacun, il est toujours prêt à vous servir d’objet commun, mais il n’est pas le lieu où tu puisses te rencontrer avec autrui. Tu ne saurais vivre sans lui, c’est sa solide réalité qui te conserve, mais si la mort te résorbait en lui, tu serais enseveli dans le néant.
Martin Buber, Je et Tu (Aubier, 2012)
image: Benjamin Grant, Mont Taranaki / Ile du Nord, Nouvelle-Zélande (20000lieuessurlenet.over-blog.com)