Chemins de traverse – 406 / Molière

Molière (Jean-Baptiste Poquelin)

Mon Dieu, des mœurs du temps, mettons-nous moins en peine,
Et faisons un peu grâce à la nature humaine;
Ne l’examinons point dans la grande rigueur,
Et voyons ses défauts, avec quelque douceur.
Il faut, parmi le monde, une vertu traitable,
A force de sagesse on peut être blâmable,
La parfaite raison fuit toute extrémité,
Et veut que l’on soit sage avec sobriété.
Cette grande raideur des vertus des vieux âges,
Heurte trop notre siècle, et les communs usages,
Elle veut aux mortels, trop de perfection,
Il faut fléchir au temps, sans obstination;
Et c’est une folie, à nulle autre, seconde,
De vouloir se mêler de corriger le monde.
J’observe, comme vous, cent choses, tous les jours,
Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours:
Mais quoi qu’à chaque pas, je puisse voir paraître,
En courroux, comme vous, on ne me voit point être;
Je prends, tout doucement, les hommes comme ils sont,
J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font;
Et je crois qu’à la cour, de même qu’à la ville,
Mon flegme est philosophe, autant que votre bile…

Molière, Le misanthrope (coll.Folio/Gallimard, 2013)

image: Charles Antoine Coypel, Molière (fr.wikipedia.org)

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