Jésus-Christ ou rien – 42

Jésus-Christ ou rien – XXXXII

Bernard Bro

La mort des Eglises? Eh bien, je refuse cette manière de questionner, et mon refus ne s’enracine pas seulement dans des idées. C’est physiquement que j’ai vu l’inverse d’une mort de l’Eglise. A Los Angeles ou à Oslo, à Ghardaïa ou à Winnipeg, à Nanterre ou à Beyrouth, je l’ai constatée, je l’ai expérimentée plus vivante, plus indispensable, plus jeune, plus attachante, plus réelle que jamais. Et c’est vrai aussi, plus désemparée. Mais justement plus réelle parce que plus désemparée.

Mais nous devons l’admettre: nous sommes des orphelins. Jusqu’à la fin du monde, on nous le répétera: le Christ, c’est très beau peut-être, mais Il n’est plus là. De plus, il est devenu difficile d’admettre ce qu’on admettait au Moyen Age, à savoir que l’Eglise civilise le monde. Alors quoi, dira-t-on qu’elle échoue? L’impression monte en nous que l’Eglise ne représente plus rien dans l’univers et, de la prise de conscience de cet échec, nous en arrivons au constat de la précarité fondamentale de l’Eglise.

Un des grands cinéastes de ce temps à qui l’on demandait: Pour vous, qui est Jésus-Christ? répondit: Hélas, une immense absence. Eh bien oui, les hommes demandent: Donnez-nous une adresse dans ce monde. Et c’est ici, avec cette question, que l’Eglise commence, avec des hommes qui sont désemparés au point de supplier: Où est-Il? Depuis deux mille ans, depuis l’Ascension, l’Eglise a toujours débuté ainsi. La présence du Christ se situe dans des conditions où les chrétiens éprouvent normalement, quotidiennement Son absence, et l’éprouvent cruellement. Si je feignais de l’ignorer, on pourrait me dire à juste titre: Vous trichez. Il y a des moments où c’est trop dur, où l’on n’en peut plus, où l’on a que les livres pour répondre. Et ce ne sont pas des livres, mais c’est un visage que l’on voudrait, c’est un regard qu’il faudrait. Où est-il, ce regard? Le chrétien entre dans la vérité et il découvre qu’il fallait que le Christ s’en aille pour que les Siens soient revêtus, possédés, de la seule force qui puisse sauver le navire désemparé.

Quelle est donc cette force dont le chrétien est possédé?

Bernard Bro, Devenir Dieu / extraits (Cerf, 1978)

image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)

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