Chemins de traverse – 437 / Antonia Pozzi

Antonia Pozzi

Ame, sois comme le pin,
qui tout l’hiver déploie
dans la blanche voûte de l’air
ses bras en fleurs
et ne cède pas, ne cède pas,
même si le vent,
lui rapportant des bois
le bruit de toutes les feuilles tombées,
lui susurre des mots d’abandon;
même si la neige,
l’écrasant de tout le poids
de sa froide pureté,
immole les branches et les tire
violemment
vers le sol noir.

Ame, sois comme le pin:
ensuite viendra le printemps 
et tu le sentiras venir de loin,
avec la plainte de toutes les branches nues
qui souffriront pour reverdir.

Mais dans tes branches vivantes
le divin printemps aura la voix
de tous les oiseaux les plus mélodieux
et à tes pieds fleurira un massif de primevères
et de jacinthes bleues
auquel tu t’agrippes
les jours paisibles
comme les jours tristes.

Ame, sois comme la montagne:
qui quand toute la vallée
devient un grand lac violet
et que le tintement des cloches y affleure
comme de blancs nymphéas sonores,
seule, en haut, se tend
pour s’entretenir en silence avec le soleil.

L’ombre l’entoure
de plus en plus près
et ressemble, autour du front enneigé,
à une lourde chevelure
qui la bouleverse,
qui la retient
de bondir dans les airs
vers son amour.

Mais l’amour du soleil
la ceint passionnément 
d’une suprême splendeur,
embrasse passionnément 
avec ses rayons les nuages
qui montent d’elle.

Ils montent libres et lents,
dégagés de l’ombre,
souverains
par-delà toutes ténèbres,
comme des pensées de l’âme éternelle
vers la lumière éternelle.

Antonia Pozzi, Exemples, dans: La vie rêvée / Journal de poésie 1929-1933 (Arfuyen, 2016)

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