Jésus-Christ ou rien – 45

Jésus-Christ ou rien – XXXXV

Bernard Bro

En nous révélant que les situations les plus sombres ont toujours été le lot de l’Eglise, ce n’est pas le moindre avantage de l’histoire que de nous éviter un motif de découragement; la fausse espérance d’un christianisme enfin tranquille et stable. Il est décourageant de ne pas voir venir ce que l’on attend. Aidés par les leçons de l’histoire à ne pas attendre ce qui ne viendra jamais, du moins sommes-nous dispensés d’un fallacieux désespoir.

Les chrétiens ont toujours eu le sentiment d’être une poignée, un petit reste. Il faut le redire: les périodes d’apparence idyllique n’échappent pas à ce fait. Comme le destin d’Israël a toujours reposé sur un peit groupe de pauvres, le christianisme a toujours reposé sur un petit reste. Le troupeau a toujours été aussi petit. On ne jette en rien le discrédit sur les institutions des soi-disantes belles époques chrétiennes si on reconnaît que, à l’intérieur de ces institutions chrétiennes, le nombre de chrétiens grâce auxquelles elles demeuraient chrétiennes était petit. Ceux qui ont porté le ferment impérissable n’ont jamais été nombreux. Avant la paix de Constantin, il fallait les yeux de la foi pour espérer que ça durerait. Après Constantin, il a toujours fallu les yeux de la foi pour comprendre que cela n’avait pas changé.

C’est la loi même de la vie de l’Eglise que les gens solides soient le petit nombre, et le grand nombre des faibles sans la foi. Moio-même qui écris ces mots, suis-je bien enraciné? Je n’en sais rien, mais je n’accepterai jamais qu’on me rassure en me disant que le christianisme d’autrefois a été majoritaire mais moins chrétien qu’il n’en avait l’air, alors que celui d’aujourd’hui serait minoritaire et plus chrétien qu’il n’en a l’air… Car l’histoire me dit l’inverse: le christianisme d’hier était chrétien, certes, mais beaucoup moins majoritaire qu’on nous le fait penser, aussi peu majoritaire peut-être que celui d’aujourd’hui, lequel n’est probablement pas plus adulte que celui d’autrefois.

Bernard Bro, Devenir Dieu / extraits (Cerf, 1978)

image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)

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